Honte et Culpabilité
Si l'on devait nommer les deux sentiments les plus puissants dans la mésestime de soi, ce serai sûrement la honte et la culpabilité. Le but de cette page est de mettre en lumière les mécanismes qui conduisent à l'apprentissage de la honte et de la culpabilité. En effet, ce ne sont pas des sentiments innés chez l'Homme, mais belle et bien des sentiments appris.
La littérature psychothérapeutique sur la honte est rare, bien que le concept de honte ait fait l'objet, récemment, d'une attention croissante.
Pour commencer, il me semble nécessaire de préciser ce que je mets derrière les mots honte et culpabilité. Pour cela je vous propose plusieurs définitions qui me semblent pertinentes :
Goldberg commence "Comprendre la honte" en retraçant l'origine du mot Anglais moderne "shame" comme venant du mot indo-européen "schame" qui signifie cacher, dissimuler. Il poursuit avec des exemples de cas cliniques montrant comment des individus cachent ou dissimulent leur pleine expression d'eux-mêmes par suite d'affronts ou de disgrâce. Chacun des exemples de Goldberg sur la honte reflète une expérience avilissante, dégradante ou humiliante, infligée par la conduite d'une autre personne. Selon Goldberg, la honte est provoquée par "la perte du lien d'amour avec des tiers importants qui sont, ou sont supposés être nécessaires à la survie psychologique et physique de la personne" . Le résultat en est la perte de l'estime de soi et l'attitude consistant à cacher aux autres le sentiment de soi dégradé pour se protéger et pour se soustraire à tout reproche ou insulte potentiel. La honte représente une crainte spéciale - "comme un instinct d'auto-protection" , comme "un véhicule muni d'un silencieux, qui garderait secret le sentiment d'être misérable" . Dans son essence, la honte est une expérience solitaire bien qu'auto protectrice. Cependant, Goldberg considère également la honte comme "le creuset de la liberté humaine", crédité d'un potentiel constructif.
Lynd (1958), l'un des premiers auteurs ayant écrit sur la honte, a défini celle-ci comme le sentiment d'une blessure infligée à la confiance en soi et en les autres. Lewis (1971), a décrit la honte comme une réduction de l'estime de soi et de l'estime des autres, qui débouche sur de la fureur ou de la colère, qui fonctionne dans le but de récupérer le sentiment d'avoir de la valeur. Wilson (1990), écrivant pour un public profane, dit : "la honte est le sentiment fort d'être irrémédiablement différent, à part, et d'être moins que les autres êtres humains. (paragraphe tiré d'un article de Richard Erskine)
Définition de la honte par Fossum et Mason
La honte est une sensation interne d’être complètement diminué ou insuffisant en tant que personne. C’est le soi qui juge le soi. Un moment de honte peut constituer une humiliation si douloureuse ou une avanie si profonde que l’on se sent dépouillé de sa propre dignité, exposé dans une incapacité totale, mauvais ou passible de rejet. Un sentiment omniprésent de honte se traduit par l’idée continue que l’on est fondamentalement mauvais, plein de défauts, indigne, pas vraiment valable en tant qu’être humain.
Définition de Kaufman
Avoir honte, c’est se sentir vu dans une position douloureuse et diminuée. Le soi se sent exposé à lui-même et à toute autre personne présente. L’expérience est incapacitante, parce qu’on a l’impression qu’il n’existe aucune façon d’atténuer les choses ou d’en rétablir l’équilibre. On a tout simplement échoué en tant qu’humain. Ce n’est pas qu’une action est perçue comme incorrecte, car de cela on pourrait faire réparation : c’est qu’il n’y a rien que je puisse faire pour compenser. Là est l’impuissance liée à la honte : son affect inhibiteur porte sur l’entièreté du soi.
La PNL explique la honte comme "la trangression d'une valeur". C'est un concept intéressant car il permet à une personne honteuse de chercher la valeur trangressée et cela peut aider à trouver l'origine de la honte.
Définition de la culpabilité (tiré du dico de psychologie.com)
Sentiment plus ou moins diffus de commettre une faute. Nécessaire à toute vie sociale mais parfois douloureux et contraignant, le sentiment de culpabilité est l’impression de ne pas être juste, d'avoir, en fantasme ou réellement, enfreint un tabou, de nourrir un désir défendu, d'avoir eu un comportement coupable face à telle personne ou telle situation. Il en naît une forte angoisse et une tendance à l'auto accusation.
A la lecture de ces définitions apparaît une différence essentielle entre la Honte et la culpabilité :
La honte porte sur le soi alors que la culpabilité concerne ce qu'on fait. La pensée type de la personne honteuse : "il y a quelque chose qui cloche en moi" La pensée type de la personne coupable : "j'ai fait quelque chose de mal" Voici une vidéo trés intéressante sur la honte et la vulnérabilité. (en anglais, mais sous titrage et traduction possible en Français) A quoi sert la honte ? D'une façon génèrale, il me semble que la honte est lièe à l'appartenance. La honte semble être une tentative désespérée pour appartenir quand même, alors même qu'il nous semble que nous ne sommes pas acceptable aux yeux des autres. En vivant la honte nous signifions au clan ou à l'autre que nous acceptons les codes établies et que nous nous soumettons en sacrifiant notre dignité. La honte est directement lièe au "regard" de l'autre, d'ailleurs il peut nous arriver de faire en solitaire des choses qui nous sembleraient totalement honteuse en prèsence de quelqu'un d'autre.
La honte est un sentiment très invalidant car elle porte sur ce que l'on est. Si nous sommes mauvais ou indigne, il n'y a pas de solution pour s'en sortir, aucune action ne peut changer ce que l'on est !
Si la honte est un sentiment acquis, pourquoi choisis t'on de la ressentir ?
Quelques hypothèses :
· Dans la théorie de la relation d'objet Fairbain décrit ceci : le bébé a besoin de garder sa mère comme bon objet, si la mère devient le mauvais objet, le bébé prends sur lui d'être le mauvais objet et donc la mère peut rester le bon objet. La honte ainsi créé est une honte essentielle qui est engrammée dans le corps. La personne devenue adulte se vivra comme le mauvais objet même si elle comprend intellectuellement que ce n'est pas vrai.
· Le bébé ou l'enfant vit une expérience de plaisir et d'excitation, mais ce vécu est nié ou négativé par un adulte. L'enfant comprend "c'est mal ce que je vis" et il enregistre cette croyance au niveau corporel et bloque son excitation par de la honte.
- Elle permet en se soumettant à des messages verbaux ou non verbaux de garder une relation que l'enfant perçoit comme nécessaire à sa survie, bien qu'elle ne corresponde pas à ses besoins (par exemple : l'enfant intériorise des réactions telles que : "mais enfin qu'est-ce qui ne va pas chez toi".
- Elle peut être une conclusion que l'enfant tire lorsqu'il se trouve confronté à une tache impossible (par exemple : "je n'arrive pas à empêcher Papa de se saouler")
- elle peut être une réaction défensive de contrôle et d'espoir d'une relation valable. Lorsqu'un enfant se sent responsable de sa famille (par exemple "c'est à cause de moi que Maman est déprimée"), il prend sur lui la responsabilité de la situation et en situe l'origine en lui-même. Cela lui permet d'imaginer qu'il a le contrôle et qu'il peut résoudre l'échec relationnel présent.
- La honte permet de garder l'illusion d'attachement, de présence et de fidélité à la figure parentale qui en est la cause.
- Elle peut être également l'introjection de la honte d'une figure parentale. ou d'un groupe parentale (par exemple : acte illégal ou odieux d'un membre de la famille qui fait que la famille se sent honteuse)
Les comportements induits par la honte Pour pouvoir vivre malgré la honte, nous trouvons des stratégies qui nous permettent de ne pas ressentir ce terrible sentiment.
- L’évitement : on évite toutes circonstances en lien avec le premier vécu de honte. Par exemple si on a une honte de montrer son corps on évite alors les piscines, les vacances au soleil, etc…
- La négation, opposition : C’est le propre de ceux qui dise « je m’en fous », ces personnes ont une conduite éhontée, elles se mettent dans des situations honteuses et semblent s’en réjouir. C’est un peu comme l’enfant qui dit « même pas mal ». La honte est retournée, c'est les proches de la personne qui ont honte. C'est le cas très souvent dans l'alcoolisme !
- La projection : on renvoie la honte sur l’autre ou on fait honte à l’autre.
- L’utilisation de substances telles que l’alcool ou la drogue pour surmonter sa honte.
Plus généralement la personne honteuse a une estime d’elle-même très basse et se dévalorise de toutes les façons possibles.
Comment sortir de la honte ? Sortir de la honte n’est pas facile, le premier constat à faire est qu’elle ne repose sur aucune vérité. Une personne ne peut pas être mauvaise, par contre elle peut avoir des comportements « mauvais ». Il faut donc dissocier le « faire » de l’ « être ». Cette distinction est le premier pas à faire mais il est très rare qu’elle aboutisse à la résolution de la honte. En effet la honte se loge au niveau corporel et émotionnel et une simple prise de conscience intellectuelle ne suffit pas. Pour dépasser le sentiment de honte plusieurs solutions sont possibles :
Ø Un revécu de honte dans une circonstance « favorable » (devant un thérapeute, par exemple) permet une expérience positive et résolutoire.
Ø Les techniques mobilisant le corps et les émotions sont efficaces : EFT, EMDR, Bioénergie, etc…
Ø Le travail sur l’inconscient est efficace : Analyse des rêves, Symbolismes, Psychanalyse, etc… Ø La PNL est l'hypnose sont des méthodes trés efficaces pour résoudre la honte en sécurité.
Ø Le travail régressif en psychothérapie. Et le dégoût ? D'après Maurice Corcos, le dégoût serai la première manifestation de la honte chez le nourrisson A quoi sert la culpabilité ? La culpabilité tout comme la honte permet de ne pas se sentir rejeté. En reconnaissant que nous sommes coupables, nous nous soumettons au jugement de la famille, de la religion, de l'état, etc... et de ce fait nous pouvons continuer à appartenir à ces instances (ou au moins en avoir l'illusion).
Vue sous cet angle là la culpabilité parait être un sentiment honorable. Là où le bât blesse, c'est que la culpabilité en nous reliant à des instances extérieures, ne nous permet pas de prendre la pleine responsabilité de nos actes. Par exemple : si je me sens coupable d'avoir menti, je suis coupable parce que j'ai appris que c'est mal de mentir ; si je prends la responsabilité de mes actes, il pourra alors apparaître que j'ai menti parce que j'avais peur de dire la vérité et je pourrai alors me reconnecter à moi-même et résoudre mon problème.
On parle souvent de la bonne culpabilité, celle qui nous permet de rester dans le "droit chemin" et de la mauvaise culpabilité, celle qui ne repose sur aucune base "morale". Est-ce que la bonne culpabilité en nous empêchant de prendre notre responsabilité est réellement bonne ? Pour ma part je pense qu'il n'y a aucune culpabilité qui soit bonne, je plaide pour que chacun soit responsable de ses actes et non coupable. Je présuppose en disant cela que l'être humain est fondamentalement "bon" et que le fait d'assumer ses actes sans culpabilité lui permet d'exister réellement comme un individu et non comme un être de "seconde main" qui n'existe que par rapport à une loi extérieur à lui.
Je suis intéressé pour avoir vos réactions par rapport à ce paragraphe, pour cela rendez vous sur mon forum La culpabilité peut-elle être positive ?
La culpabilité peut être un sentiment intéressant à deux conditions :
1. Elle soit ressentie en fonction d'une faute réelle : malhonnêteté, irrespect envers soi ou envers l'autre.
2. Elle conduise à un changement de notre comportement et nous amène à la responsabilité.
Les comportements induits par la culpabilité
Une personne qui ressent de la culpabilité ne peut pas agir de façon authentique. Ce qu'elle a fait est mal, il faut qu'elle trouve une solution à ce sentiment très inconfortable. Plusieurs stratégies existent, en voici une liste non exhaustive :
· Le déni de la faute
· Le rejet de la faute sur l'autre
· L'auto flagellation
· La réparation
· Les conduites suicidaires et à risques
· Etc...
La plupart de ces comportements soulagent la culpabilité ou évitent de la ressentir mais ne la résolvent pas ! La faute est toujours là si nous ne pouvons pas intégrer une loi intérieur qui nous permette d'être authentique.
Comment sortir de la culpabilité ?
Pour sortir de la culpabilité, il est nécessaire dans un premier temps de la reconnaître si ce n'est pas déjà le cas. Ensuite, transformer sa culpabilité en responsabilité. Ce processus permet de voir ses "fautes" (quand elles existent !) et de les considérer comme des erreurs, ce qui permet de sortir du jugement. Une erreur acceptée devient alors une source d'évolution pour la personne et lui permet de se construire.
Il est évident que ce processus sera plus difficile si la culpabilité est "engrammée" au niveau corporel et viscéral (par exemple ; la culpabilité du jumeau survivant dans le cas de mort in utéro).